La CNIL a récemment publié un projet de recommandation relatif aux pixels de suivi, ouvrant une consultation publique afin de recueillir les avis des professionnels et des acteurs du numérique. Cette initiative, très attendue, intervient dans un contexte où la mesure d’audience et le suivi comportemental reposent encore largement sur des technologies de traçage discrètes, parfois méconnues des utilisateurs.
L’objectif : clarifier les règles applicables à ces traceurs, dans un contexte où leur usage est devenu omniprésent.

Les pixels de suivi : un petit élément, un grand impact
Dans le monde du marketing digital, le pixel de suivi (ou tracking pixel) est un outil minuscule, mais stratégique.
C’est une image invisible, intégrée dans les e-mails, qui se charge depuis un serveur lors de l’ouverture du message.
Ce petit dispositif permet à l’expéditeur de savoir :
- si un message a été ouvert,
- à quelle heure,
- sur quel type d’appareil,
- et parfois, depuis quelle localisation.
Ces données sont précieuses : elles permettent d’évaluer l’efficacité d’une campagne, de relancer les contacts inactifs, ou d’ajuster la fréquence d’envoi.
Mais elles posent aussi des questions de transparence et de vie privée, surtout lorsqu’elles permettent un suivi individuel sans consentement explicite.
Conséquence : La CNIL cherche désormais à clarifier les conditions dans lesquelles ces pixels de suivi peuvent être utilisés sans compromettre les droits des personnes.
Les principaux points du projet
1. Consentement nécessaire pour les suivis individuels
Lorsqu’un pixel permet de relier une ouverture à une personne identifiable, le consentement préalable du destinataire est obligatoire. Ici, on retrouve les mêmes règles applicables qu’à l’accoutumée en matière de validité de consentement. La nouveauté vient de la recommandation de la CNIL d’utiliser un lien traçant afin de vérifier que le consentement est bien donné par le titulaire de l’adresse électronique. La CNIL détaille également les finalités de traitement concernées, qui peuvent être reprises ainsi dans vos politiques et registres de traitement (point 3.1).
2. Certaines exceptions prévues
Les usages strictement techniques (mesures de sécurité de l’authentification de l’utilisateur) ou les mesures globales anonymisées pourront être exemptés de consentement (par exemple, un taux d’ouverture global sans identification nominative).
3. Informations et retrait du consentement
Le destinataire doit être clairement informé de la présence de traceurs, et pouvoir retirer son consentement facilement (par exemple via un lien dans l’e-mail). Les mentions d’information doivent être présentées aux contacts avant de leur offrir la possibilité de consentir ou de refuser. La CNIL recommande en outre de faire figurer une description plus détaillée de ces finalités, aisément accessible depuis l’interface du recueil de consentement, et les détailler de manière plus précise dans la politique de cookies de votre site.
4. Responsabilité partagée
L’expéditeur, le prestataire d’envoi, et éventuellement le fournisseur du pixel devront déterminer leurs rôles respectifs : responsable, sous-traitant, ou coresponsable du traitement.
En substance, l’autorité rappelle notamment que le consentement de l’utilisateur reste la pierre angulaire du dispositif, sauf dans certains cas où le suivi est strictement nécessaire à la fourniture d’un service explicitement demandé par l’utilisateur. Elle insiste également sur la nécessité d’une information claire, facilement accessible et compréhensible, ainsi que sur la minimisation des données collectées.
Les acteurs du marketing attentifs à ces évolutions
Pour les acteurs du marketing digital, cette recommandation ne constitue pas une rupture, mais une mise au clair bienvenue.
Chez les acteurs du domaine, éditeurs de CRM et de plateformes de marketing permettant l’envoi de mailings, ces questions doivent être intégrées dans la « réflexion produit » : la transparence des suivis, la distinction entre mesure agrégée et mesure individuelle, ou encore la possibilité de désactiver les traceurs font partie des enjeux techniques pris en considération.
Toutefois, comme pour beaucoup d’acteurs du secteur, l’attente d’instructions précises de la CNIL reste essentielle pour parfaire la conformité et garantir une application homogène de ces recommandations au marché.
Cette approche prudente et responsable est celle d’un écosystème qui souhaite anticiper sans surinterpréter, et s’aligner, le moment venu, sur les recommandations définitives.

Ce que cela change pour les entreprises
Pour les expéditeurs de campagnes marketing, ce projet appelle à quelques réflexes clés :
- Cartographier les usages : identifier où et comment les pixels sont utilisés.
- Informer clairement : intégrer une mention spécifique dans les politiques de confidentialité et les formulaires d’inscription.
- Adapter les outils : prévoir des options avec ou sans tracking individuel, selon l’expression du consentement.
- Documenter les choix : conserver la preuve du choix du consentement et des paramétrages retenus.
Cela suppose donc de travailler étroitement avec les prestataires techniques (sous-traitants) pour coordonner les responsabilités et les preuves.
Une opportunité de repenser la mesure marketing
Derrière les obligations légales, il y a une transformation plus profonde à venir, poussée par les acteurs législatifs : celle de la philosophie du marketing.
1. Du « suivi à tout prix » à la « mesure utile »
Les indicateurs globaux (taux d’ouverture global, volume de clics, désabonnements) suffisent souvent à piloter efficacement une stratégie, sans recourir à un suivi nominatif.
2. Du comportement implicite à la donnée déclarative
Interroger directement ses contacts sur leurs préférences (fréquence, thèmes, canaux favoris) peut produire des données plus fiables, tout en renforçant la relation de confiance en évitant notamment la sursollicitation/pression marketing trop importante.
3. Vers des outils plus respectueux par conception
La recommandation de la CNIL pourrait servir de cadre de référence technique, facilitant une évolution concertée des pratiques dans le secteur.
En conclusion : la conformité comme moteur de confiance
Le projet de la CNIL sur les pixels de suivi ne remet pas en cause le marketing relationnel, il l’aide à mûrir.
En invitant les acteurs à plus de clarté, de traçabilité et de consentement, il participe à bâtir un écosystème plus sain.
Cependant, des zones d’ombres persistent : quels sont les mécanismes à mettre en place dans le cadre des campagnes automatisées qui se basent notamment sur les informations d’ouvertures et de clics des campagnes (bien que le clic ne soit pas pour l’instant visé par la recommandation) ? De la même manière, à titre personnel, j’ai déjà pu mettre en place des campagnes de purge automatiques de contacts en me basant sur un calcul de dernière action positive du contact, comprenant notamment en compte le clic de l’utilisateur ou informations de consentements.
Pour Steredenn, qui accompagne les entreprises dans la mise en conformité notamment des actions marketing et de communication, c’est une opportunité d’allier exigence réglementaire et efficacité opérationnelle.
Et pour les acteurs du marché, c’est la confirmation que la prise en compte proactive des enjeux RGPD est la bonne direction, en attendant les orientations définitives de la CNIL et finaliser les ajustements techniques. À ce titre, un acteur français et souverain comme NET HELIUM, avec qui je travaille en étroite collaboration, peut également vous accompagner pour l’adaptation de vos campagnes e-mails et la parfaite gestion de vos consentements.
À retenir
Le pixel de suivi reste un outil utile, à condition d’être utilisé avec discernement.
L’avenir du marketing n’est pas de suivre plus, mais de suivre mieux, en toute transparence.